Comment un monastère est devenu une forteresse face aux raids vikings.
Plongée dans les invasions vikings de la France de l’Ouest — Épisode 4
La semaine dernière, nous avons étudié l’exemption de péage accordée en 826 par Pépin Ier, un aperçu révélateur de la manière dont la politique royale s’adaptait à la pression croissante de l’activité viking le long de la Loire. Cette exemption montrait clairement qu’au milieu des années 820, les raids scandinaves étaient suffisamment perturbateurs pour justifier d’accorder aux moines de Saint-Philibert un allègement financier. Cela venait s’ajouter à la charte de 819, qui avait donné à l’ordre de Saint-Philibert le droit de construire et de se réfugier chaque année, pendant la saison des raids, dans un prieuré satellite plus en retrait, appelé Déas.
Cette semaine, nous avançons de quelques années, jusqu’en 830, lorsque la situation est passée de concessions fiscales à une tentative de fortification physique. Un diplôme royal daté du 2 août 830 indique que les moines de Saint-Philibert avaient fortifié leur maison insulaire sur Herio et reçu la permission impériale d’y poster des hommes pour garder le castrum. Le même acte rapporte que, malgré cette fortification, la communauté quittait encore l’île chaque été pour se réfugier à Déas. Il souligne même les difficultés de ce déplacement : transporter les biens de l’église était ardu et le service divin cessait sur l’île en leur absence. Une forteresse, une garnison et un départ saisonnier programmé témoignent d’un risque ordinaire et récurrent, et non d’une urgence ponctuelle.
Ce document s’inscrit dans une série d’indices qui décrivent déjà la menace comme répétitive. En 819, l’abbé Arnulf avait obtenu l’autorisation d’utiliser Déas comme refuge face à des incursions fréquentes. Le ton des sources ne se relâche pas dans les années 820. Le prologue des Miracles d’Ermentarius — Ermentarius de Noirmoutier était un moine du IXᵉ siècle et prétendu témoin oculaire de certaines attaques vikings ; il nous a laissé l’une des premières sources narratives dans ses Miracles de Saint Philibert — se plaint des perturbations constantes causées par les Normands, surtout pour les familles liées au service du monastère, et mentionne les habitants des îles fuyant avec leur seigneur. Plus tard, le Livre II situe le comte Renaud d’Herbauge combattant les Vikings tout en défendant le castrum. Que cet affrontement ait eu lieu exactement en 835 ou une année voisine importe peu : il confirme que la forteresse avait été construite pour faire face à un problème durable.
Cet élément est essentiel pour raconter l’histoire de la Loire avant que les grandes annales ne prennent le relais. Le diplôme de 830 implique que la fortification avait déjà eu lieu et que l’évacuation estivale était devenue une habitude. En d’autres termes, la « fréquence et l’intensité » des raids scandinaves mentionnées en 819 ne s’étaient pas atténuées au cours de la décennie suivante. Elles se sont poursuivies durant les années 820 et, en 830, avaient engendré une politique permanente sur Herio : construire, garder et, quand la saison change, partir.
Si les premières parties de cette série s’interrogaient sur le fait de savoir si 799 marquait un début et si le rythme s’était maintenu, cette entrée fournit la preuve administrative. Une charte qui autorise la mise en garnison est une réponse gouvernementale à une menace connue et répétée. Lue parallèlement au témoignage d’Ermentarius et à la mention des combats au fort, l’image est claire : des raids scandinaves réguliers le long de la basse Loire sont déjà attestés avant les notices mieux connues des grandes annales.
Aujourd’hui, en visitant le château de Noirmoutier, les visiteurs découvrent son histoire, notamment comment il fut construit pour repousser les Vikings et reste le plus ancien château de France. Bien que rien ne prouve que le château actuel descende directement du castrum édifié contre les Vikings, une chose est certaine : moins de trois décennies après le début des trois siècles que l’on appellera « l’Âge des Vikings », ces derniers avaient déjà un impact.
L’idée du castrum est un élément central de mes romans. Dans le deuxième tome, À l’ombre de la Bête, mon personnage principal, Hasting, s’empare du castrum et du monastère pour en faire sa base d’opérations dans la région.
Si tu ne veux pas attendre la semaine prochaine pour découvrir la prochaine phase de l’expansion viking dans le royaume carolingien, vis-la dès maintenant dans ma série La Saga d’Hasting le Vengeur, qui culmine avec la bataille épique sur l’île de Noirmoutier entre une armée franque et le plus célèbre chef de guerre viking de tous les temps : Hasting.
Sources (via Cartron, p. 34, n. 12) : Diplôme du 2 août 830 (éd. L. Maître, Cunauld, son prieuré, ses archives, 250–253), avec confirmations dans les Annales Engolismenses (MGH SS XVI, a. 834, 485) et le Chronicon Aquitanicum (MGH SS XVI, a. 830, 252) ; Ermentarius, Miracula I, Prologue ; Miracula II, c. XI.
Si vous ne voulez pas attendre la semaine prochaine pour en savoir plus, plongez-vous dans mon premier roman, Les Seigneurs du Vent, qui culmine avec l’épopée de la bataille de l’île de Noirmoutier entre une armée franque et le plus célèbre chef de guerre viking de tous, Hasting.